Lettre ouverte à la communauté des danseurs montargois

Bonjour à tous,

Aujourd’hui, j’ai un long message à faire passer à la communauté des danseurs latinos de Montargis. Je précise que je le fais au nom de l’association, mais que certaines parties seront faites en mon nom propre, en tant que fondatrice et surtout, en tant que « dirigeante du secteur danse ».

Certains se sont étonnés, vendredi soir, de l’annonce, à 22H20, des deux dernières chansons (« Quoi, déjà ? Mais que se passe-t-il ? »). Nous tenons à vous rappeler que les apéros-danse sont prévus de 19H à 22H, et que, déjà, le fait qu’on déborde jusqu’à 22H30 est un cadeau. Jules et Alison ont toujours eu tendance, depuis qu’ils s’occupent des apéros-danse kizomba, à déborder un peu plus largement que cela, par plaisir, par sens du partage – par plaisir du partage. Je ne leur en tiens pas rigueur car je sais quelle belle intention se cachait derrière ces débordements. Mais je leur ai toujours dit qu’à mon sens, c’était se tirer une balle dans le pied que de changer le concept des apéros-danse, qui sont des afterworks, et de le laisser progressivement déborder en soirée… en soirée gratuite. Pourquoi est-ce que je pense ainsi ? Parce que je constate depuis longtemps que certains danseurs et danseuses habitués des apéros-danse ne sont que très rarement, voire pas du tout, présents aux soirées payantes que nous organisons. Soirées qui se tiennent pourtant, depuis cette année, dans le même lieu que les mêmes apéros-danse, ce qui signifie que, contrairement à d’autres événements que nous avons pu organiser, ce n’est pas le lieu qui pose problème… Soirées qui, également, proposent des prestations musicales de qualité puisque nous faisons venir des DJs – et, au cas où cela échappe encore à certains, c’est censé être une plus-value par rapport aux playlists que, certes, nous préparons consciencieusement, mais qui ne sont que des playlists diffusées via nos ordinateurs ou tablettes… Soirées qui sont donc censées attirer les passionnés de Montargis. Mais qui ne le font pas, ou pas régulièrement – et en tout cas, pas suffisamment, sur un plan bêtement financier.
En effet, la dernière soirée Give me a kizz a été la première soirée de Quatre Epices non rentable financièrement – et par « non rentable », j’entends que nous avons perdu de l’argent. Mais si je remonte le temps, sans que le constat ait été aussi négatif lors de nos autres événements, je peux tirer les mêmes conclusions de nombreuses soirées que nous avons organisées : le noyau de danseurs passionnés présent lors de ces soirées est très petit, environ une trentaine de personnes, et si nous rentabilisons c’est généralement grâce à la présence de « touristes », c’est-à-dire de non-danseurs qui sont attirés par le cours et la possibilité de danser une petite heure, mais s’en vont par la suite. Or, vous savez tous très bien qu’il y a bien plus de trente danseurs passionnés à Montargis et environs. Alors, où sont ces danseurs et danseuses les troisièmes samedis du mois ? Où sont-ils lorsque, comme l’année dernière, nous faisons venir une danseuse de Paris et un DJ de Marseille pour leur permettre de sortir de leurs horizons er de découvrir ce que peuvent être les danses et musiques latines pratiquées par de grands professionnels ? Où sont-ils lorsque nous organisons des stages avec des professionnels qui ne repasseront pas de sitôt dans la région ?
Force est de constater que beaucoup profitent des événements gratuits mais renâclent à mettre la main au portefeuille, même pour 10 euros, même pour 7 euros parfois, dès lors qu’on leur propose plus long et encore mieux, mais payant… Je sais bien qu’on peut avoir un empêchement, sur une date précise. Mais certains ont visiblement des empêchements très réguliers… J’en suis donc venue à la conclusion que les apéros-danse, auxquels je tiens pourtant, à titre personnel, ENORMEMENT, et qui sont, comme me l’a rappelé un extérieur (que je remercie d’ailleurs pour ses interventions pleines de sagesse), notre marque de fabrique, sont un moyen pour certains de profiter de ce que nous organisons sans contribuer en quoi que ce soit à la vie de l’association ni à celle de la communauté. Une participante (non adhérente) me rappelait récemment que la danse c’est du partage, et, ô comme je la rejoins ! Mais le mot partage implique une circulation, un effet d’aller-retour, une équité. Or, j’ai le sentiment que NOUS donnons beaucoup mais que nous ne recevons vraiment pas de tous. J’ai le sentiment que certains profitent de notre bénévolat, sans le moindre scrupule, et sans même penser que, de temps en temps, il serait bienvenu de remercier… Il était donc on ne peut plus naturel pour moi de venir vendredi rappeler aux participants des apéros-danse que ceux-ci se terminent à 22H, allez, 22H30 au plus tard. Nous n’avons rien interrompu trop tôt, en fait c’est l’inverse : les horaires étaient déjà dépassés. Les plaintes sont donc quelque peu malvenues dans ce contexte.

Je voudrais rappeler quelques points :
– l’organisation des apéros-danse et des soirées payantes est totalement bénévole de notre part : les gains vont à l’association, quand il y en a (il n’y en a aucun sur les apéros-danse, nous ne sommes pas rémunérés par le bar) et au bar qui nous accueille ; une association ne peut pas vivre sans faire entrer de l’argent – sa seule différence avec une entreprise c’est qu’elle doit le faire sortir dans l’année, et c’est grâce à cet argent qui entre que nous avons pu acheter des enceintes, des lumières, des platines, peut-être un futur ordinateur… c’est aussi grâce à cet argent qui entre que nous pouvons envisager de faire venir des guests, danseurs et DJs, que pourtant certains d’entre vous boudent consciencieusement…
– tous les événements ont un coût, y compris les apéros-danse qui sont gratuits pour VOUS, les participants, mais qui coûtent 150 euros de SACEM à l’organisateur (que l’événement dure une heure ou dix, qu’il soit gratuit ou payant, c’est le même prix) ; lorsque nous organisons certains événements nous-mêmes (dans le cas où le bar ou restaurant partenaire refuse d’assumer la SACEM), c’est un coût à ajouter à notre enveloppe de sortie… qu’imaginez-vous qu’il se passe si vous n’êtes pas assez nombreux au rendez-vous ?
– le Belman est le seul bar qui ait accepté ces conditions depuis les débuts, et, puisqu’il ferme en fin d’année, la survie des apéros-danse gratuits est de toute façon conditionnée à un nouveau partenariat, qui ne va pas être facile à trouver car, à l’heure actuelle, tous les bars reculent devant les frais de SACEM ; se plaindre de l’exiguïté du lieu, compte tenu de la qualité de l’accueil et des conditions on ne peut plus favorables, est donc forcément inutile, puisqu’il n’existe pas à Montargis, à l’heure actuelle, de lieu à la fois assez grand et assez motivé pour nous accueillir au prix de 150 euros par événement.

Si on ajoute à ce sentiment que nous avons d’un certain refus de payer les nombreux retours négatifs, présentés comme des plaintes mais jamais comme des supports de discussion, concernant le lieu « trop petit », les chaises « pas assez nombreuses » (mais quand on les laisse elles prennent de la place), les femmes seules « trop nombreuses et demandeuses », les hommes « trop peu nombreux », les tarifs « pas réduits à partir de minuit », les horaires de fin « trop tôt », les horaires de début « trop tôt » ou « trop tard » (ça dépend des gens), mais toutes ces récriminations, bien entendu, présentées sans la moindre suggestion de solution… vous comprendrez facilement, je l’espère, l’immense fatigue qui est la mienne à ce stade. Je ne peux que constater qu’une grande partie des danseurs se comportent de façon consumériste, en exigeant une qualité qu’ils contribuent, par leur attitude même, à empêcher d’exister.
J’aimerais donc, par ce message (long, je le sais, mais j’espère que vous le lirez jusqu’au bout) alerter les consciences : je suis, pour ma part, bénévole de A jusqu’à Z depuis la fondation de Quatre Epices – c’est-à-dire que je n’ai jamais été rémunérée pour mes cours, alors que je serais parfaitement en droit de l’être, l’obligation de bénévolat ne concernant en réalité que ma charge de trésorière. Je crois que vous n’imaginez pas combien de temps cela représente, y compris pour les apéros-danse (je passe environ deux heures à préparer une playlist par exemple). Yann l’est également, et cela alors même qu’il n’est pas un grand passionné de danse ; Jules/Alison/Charlène/Perrine animent bénévolement les apéros-danse ; Vin est également venu bénévolement en tant que DJ sur plusieurs événements – nous le rémunérons dès lors que nous le pouvons, mais ce n’est pas toujours le cas.

Posez-vous donc la question : qui parmi vous est prêt(e) à faire ce que bous faisons, aux conditions auxquelles nous le faisons ? Qui parmi vous prendra le relais si nous nous arrêtons ? Qui se battra pour que continue d’exister un foyer de partage qui, comme chacun le reconnaît, anime ENFIN le centre-ville de Montargis ?

Rappelez-vous : ce bénévolat est EN AUCUN CAS un dû. Vous qui bénéficiez de notre travail et de notre envie de partager notre expérience et notre passion avec vous, essayez de vous en souvenir à chaque fois que vous penserez légitime de vous plaindre, ou de profiter gratuitement sans même penser à dire merci… Dire merci, ce n’est pas un dû non plus – c’est juste la preuve que vous avez compris le sens du mot partage. Et parfois, dire merci, ça ne passe pas par des mots. Ca peut être faire suivre tous nos posts et recruter du monde pour nos événements, en particulier des hommes capables de danser, au moins un peu ; ça peut être prendre son adhésion à l’année (12 euros), juste pour dire « Je vous soutiens » ; ça peut être proposer son aide pour l’organisation d’une soirée, ou de plusieurs ; ça peut être venir flyer en septembre pour nous aider à nous faire connaître ; ça peut être démarcher des lieux… vous avez l’embarras du choix. Mais quoi qu’il en soit, nous avons besoin que vous deveniez enfin des membres actifs de cette communauté, et non des clients.

Et pour finir sur une note positive qui, je l’espère, allégera le coeur de certains : vous êtes un certain nombre à le faire, déjà, et vous savez qui vous êtes. Dieu merci, il n’y a pas que des membres de Quatre Epices parmi vous – l’association est l’un des piliers de cette communauté, mais il n’est pas nécessaire d’en être adhérent pour avoir compris le sens du mot « partage ». Merci à vous, de tout mon coeur.

Amélie

Article publié le lundi 30 avril 2018